Article FEMINA
par Dr. Marva Safa, 30.03.2020
Trois femmes qui ont eu recours à la médecine esthétique racontent leur avant/après. Une médecin de Neuchâtel décrypte également l'évolution de sa pratique.
Valérie Fournier on 30 mars 2020
FEMINA La médecine esthétique semble connaître un vrai boom…
Dr Marva Safa Tout à fait, le développement est exponentiel. La culture a changé sous l’influence des réseaux sociaux. On accuse en riant les sœurs Kardashian, mais c’est assez juste. Nous avons maintenant une patientèle vraiment jeune: 20, 30 ans.
Son profil psychologique est différent de celui des patientes plus matures, nées dans une autre époque. La génération Z n’a pas de souvenirs d’un monde sans internet. La prise en charge de cette population est devenue une science à part.
L’anatomie d’une femme de 25 ans n’est pas la même que celle d’une femme de 45-50 ans. Elles ne sont pas au même stade, d’un point de vue physiologique, mais aussi psychologique. Les jeunes filles sont beaucoup plus dans la prévention que ne l’étaient leurs mamans.
Quelles sont leurs demandes?
Les femmes de 25 ans qui consultent ne sont pas bêtes, elles ont déjà fait beaucoup de recherches, elles ne veulent pas rajeunir mais anticiper. Dès qu’elles constatent un début de couperose, sachant que leur maman en a souffert, elles cherchent des moyens de ralentir ou d’empêcher la problématique. C’est une attitude saine.
En voyant les Kardashian, quand même, on se dit que les critères de beauté ont changé.
Oui, complètement. La réalité, surtout, est devenue virtuelle. On vient souvent me voir avec des photos d’Instagram pour avoir une bouche comme ceci ou une peau comme cela, sans se rendre compte que derrière ces images, il y a des heures de make-up professionnel et, bien sûr, des filtres. Je dois leur rappeler que je ne peux pas promettre ce résultat, mais une peau en bonne santé, oui. Et ça prend un peu plus de temps qu’un selfie retouché.
La médecine est aussi une affaire individuelle, chacun y répond différemment. Une aspirine peut soulager le mal de tête de quelqu’un et causer une allergie à une autre personne. C’est pareil en esthétique, un traitement peut être incroyable sur votre sœur et moyen sur vous.
Si je prends le temps de l’expliquer, en général on tombe d’accord, c’est la bonne nouvelle! Il m’arrive de dissuader certaines patientes de se lancer dans des procédures, même si ce n’est pas commercial.
Comment expliquer qu’il n’y ait pas plus de nouvelles cliniques?
En Suisse, la société est plus conservatrice, prudente. Chez nous, tout se passe avec un peu plus de lenteur et, pour une fois, c’est une bonne chose: on ne prend pas les choses à la légère. La tendance arrive maintenant, elle est forte. Des cabinets ouvrent partout et on constate aussi les premiers accidents, comme cette patiente défigurée qui a fait la une de 20 Minutes. Des esthéticiennes se mettent à faire des injections, pas de botox, qui est un médicament contrôlé par Swissmedic, mais d’acide hyaluronique, qui est un dispositif médical pour lequel la loi est dans une zone grisâtre. Leurs prix sont plus bas, ce qui attire les jeunes.
Comment les informer, faut-il éviter absolument ces endroits?
En tant que médecin, je connais les risques que je prends chaque fois que j’injecte, que je traite au laser ou que je fais un peeling, car il y a en a. Si on veut que ce soit fait dans les règles de l’art, tout acte invasif doit être exécuté par un médecin ou sous la supervision absolue d’un médecin. Une esthéticienne, aussi bien formée soit-elle, n’a pas les mêmes notions d’anatomie, d’épaisseur de la peau, de récepteurs.
Il y a sans doute aussi des abus chez les médecins…
Tout à fait. Parmi nous, les praticiens, il n’y a pas que des gens irréprochables. Si la majorité des professionnels prennent leurs responsabilités, il y en a toujours qui placent l’argent avant la sécurité du patient.
C’est pour ça que je tiens beaucoup à l’information. Il faut éduquer les gens, leur apprendre à être attentif. Si la première consultation dure 5 minutes, des sirènes d’alarme doivent retentir dans votre tête.
Vous avez le droit de demander ce qu’on vous injecte et de faire une recherche. Vous connaissez la marque de votre sac à main, mais vous ne savez pas ce qu’on met dans votre visage? C’est quand même choquant!